samedi 10 septembre 2011

Le réveil des idées

Autour de la grande table en chêne, chemises dans le pantalon, ceintures bien serrées, habits sombres et sourcils sérieux. Mes lèvres luttent pour ne pas se soulever et aller taquiner mes oreilles. Le ballet des chaises raclant le sol s'atténue pour laisser place au cliquetis métallique des stylos brandis hors des poches telles des petites baguettes magiques.

Un vénérable orateur se lève et débute la longue palabre. Le fil des propos se laisse suivre sans résistance, lorsque soudain, une idée surgit. Je chasse l'impromptue rapidement pour rattraper le flot de mots qui remplit la grande salle austère, mais il est trop tard. L'espiègle s'est installée au milieu de ses consoeurs endormies. Plusieurs idées au sommeil léger se réveillent alors et se mettent à pétiller tour à tour.

Tentant d'ignorer toutes ces idées qui jaillissent subitement, je commande à mes oreilles de se concentrer sur les paroles émises autour de la table. Cette manoeuvre subtile s'avère inutile car l'armée d'idées s'est emparée de tout mon esprit et entrave la compréhension des phrases qui s'abattent sur l'assistance. Vaincue, j'abandonne ma conscience aux mains des envahisseurs.

A l'écoute de chacune d'entre elles, je m'aperçois qu'elles sont intéressantes et me mènent dans des recoins de mon imaginaire encore peu explorés. Enchanteresses, séduisantes, hautes en couleur, voire même sensationnelles, les idées entraînent toutes mes pensées. Captant un silence brusque, mes oreilles indiquent à ma conscience que les paramètres extérieurs ont changé. Je lève les yeux et rencontre le regard interrogateur de douze personnes ; une question m'avait vraisemblablement été posée... 

jeudi 28 juillet 2011

Entre deux gouttes

Quatrième jour consécutif de pluie, soupira-t-elle en sortant de chez elle. Si ça continue, elle allait devoir s'acheter un de ces masques de plongée que le supermarché du coin avait en action ce mois-ci. C'était le seul signe qu'on était bel et bien en été. Le paysage gris béton, de même que la mine triste des gens traînant les pieds en allant travailler le matin avaient plutôt tendance à pointer vers la fin de l'automne. Elle rit en s'imaginant marcher avec une telle fantaisie sur les yeux ; peut-être que le monde aurait l'air différent, plus souriant, plus coloré ?

En arrivant au restaurant, elle commença ce qu'elle appelait "son rituel boulot yo-yo" en espérant que ce midi il y aurait d'autres clients que le comité de l'association de soutien pour le parti travailliste (trophée en platine des noms d'associations à mourir d'ennui). Même si les journées estivales au travail ressemblaient à un chewing-gum fondu au soleil - longues, molles, incolores - elle se sentait à l'aise dans ce petit bâtiment étrangement planté au milieu d'un parking. Quoi qu'il en soit, son esprit était ailleurs, loin, dans les vieux bâtiments plein de sagesse de l'université où elle irait bientôt étudier.

Alors que le service venait de commencer, trois hommes à moto s'arrêtèrent devant le restaurant. Elle ne reconnaissait pas les plaques. Des étrangers ici ? Comment serait-ce possible ? Il n'y a rien à voir, rien à faire, rien tout simplement. Autant de questions qui menaçaient de faire imploser son esprit, surtout lorsqu'elle constata que les motards entrèrent dans le restaurant et que l'un d'eux était en réalité une jeune femme de son âge. D'où venaient-ils ? Et s'ils ne parlaient pas sa langue ? Pire, et s'ils ne comprenaient pas le menu ?

La tempête de questions s'interrompit brusquement lorsqu'elle s'aperçut que les trois étrangers s'étaient installés non loin du club des barbus barbants et qu'ils la fixaient maintenant avec des sourires affamés. Elle se ressaisit et leur apporta le menu, tout en leur demandant s'ils désiraient boire quelque chose. Elle eut pour toute réponse des rires gênés et une sorte de bafouillage duquel elle réussit à extraire le mot "english". A regret, elle fit signe qu'elle ne comprenait pas.

Au bout d'un moment, à force de gestes, de pointages du doigt, de sons en tout genre et de nombreux sourires, les commandes furent passées et les estomacs rassasiés. Elle était déçue que le chef n'avait plus de quoi faire l'une des spécialités présentes sur la carte. Ils auraient sûrement aimé la goûter. Au moment de partir, elle remercia les étrangers et leur confia joyeusement qu'elle pourrait bientôt discuter avec eux, s'ils étaient amenés à se revoir, car elle prévoyait d'apprendre l'anglais et même l'allemand à l'université. Six billes stupéfaites la fixèrent. Après un court silence confus, les trois voyageurs fouillèrent à nouveau dans leur porte-monnaie pour en extraire un second pourboire qu'ils déposèrent sur la table avant de s'en aller.

samedi 9 juillet 2011

Merci pour le retard

Un rendez-vous un soir, près d’un bar en plein air. J’arrive en avance. Un message m’indique que je vais devoir attendre un peu plus longuement que prévu. Qu’importe, il fait beau et la bière est fraîche. Sur un banc, un homme seul en tête-à-tête avec sa pinte. J’interromps ses glougloutements pour prendre place à l’autre extrémité du siège en lançant une salutation joviale agrémentée d’un sourire. L’invitation silencieuse à la conversation est bien reçue et le cinquantenaire ouvre le dialogue par des questions banales d’usage.

Au bout de quelques instants, un ami du bavard arrive, accompagné également de sa pinte. De bières à bières, les langues se délient et la conversation reprend son cours, cette fois-ci à trois voix. Les deux hommes s’avèrent être des expatriés depuis de nombreuses années. L’un me raconte avec fierté ses cours privés avec une jeune fille très douée, l’autre ses aventures maritimes du temps où il était jeune matelot.

Sorti de nulle part, un troisième compère – expatrié également – arrive et se joint au banc animé. Les rires résonnent. Je me félicite d’avoir choisi ce banc. L’air est doux et l’endroit se rempli d’autres joyeux assoiffés. A mon tour, je raconte quelques épisodes cocasses de mon crû. La bonne humeur assèche nos verres. Le troisième compère est envoyé au bar en éclaireur. Le niveau de bonne humeur – déjà bien élevé – continue de grimper lorsqu’il revient, les mains pleines de fraîcheur liquide.

En plein milieu d’une explication obscure sur un sujet risible, l’un de mes amis improvisés arrête son flot de paroles et dirige son regard au-delà du joyeux banc. Je lève les yeux et aperçoit mon rendez-vous qui nous observe, déconcerté. Retour soudain à la réalité, je me souviens maintenant la raison de ma venue en ce lieu. J’introduis mes nouveaux amis à mon rendez-vous qui ne semble pas intéressé. La déception m’envahit alors que je prends congé du banc qui redevient momentanément silencieux. En m’éloignant, je me prends à espérer revoir à nouveau par hasard ces trois joyeux drilles.

lundi 27 juin 2011

Sur un air de bonne humeur

Depuis la terrasse du café, j'observe le vieux piano trônant étrangement serein sur le trottoir d'en face. Une initiative bienvenue dans cette ville aux rues amusicales. Sandwich en main, goulot à la bouche, tailleurs et costards déambulent d'un pas tendus. La plupart ne prête pas attention à l'instrument. Là d'où ils viennent, certainement que les saxophones jonchent les rues et les guitares pendent aux fenêtres.

Débouchant d'un coin de rue, un jeune costume-chemise se dirige d'un pas leste vers le piano. Sans hésitation, sans faire de pause, il s'assied devant les touches. Prenant le relais des jambes soudainement immobilisées, ses doigts se mettent à courir sur le clavier. Un air gai, électrisant, s'échappe de l'instrument pendant quelques minutes. Puis, les mains s'interrompent, les pieds reprennent le contrôle du corps, et le jeune homme s'en va, comme si le piano n'avait été qu'un lacet à renouer.

Un café plus tard, un autre quidam s'arrête devant l'instrument solitaire. Bras ballants, il fixe l'instrument, le regard curieux. Il lève les yeux et semble oublier un instant l'objet de son arrêt fortuit. Il reprend son observation. Le piano est là, patient. Sous son regards insistant, les touchent s'offrent à lui, nues, comme retenant leur respiration entre deux mouvements. L'homme ne semble pas vouloir en profiter. Ou alors, maladroit, il ne sait pas comment s'y prendre. Il décide donc de partir.

Guettant le départ tant espéré, un chevelu sort de derrière son poteau pour s'installer devant l'instrument, tout sourire. Soulagées d'être enfin rejouées, les touches du clavier s'en donnent à cœur joie et font raisonner leur bonne humeur dans tout le quartier. Des gouttes commencent à pleuvoir. Je me lève pour partir quand mes oreilles me font remarquer que la musique n'a pas cessé, malgré la pluie. L'homme avait affectueusement rabattu une bâche sur le piano, et s'était réfugié dessous, imperturbable, pour continuer son tête-à-tête musical.

vendredi 17 juin 2011

X-Men : la Grande Classe


Mesdames, ne vous y méprenez pas, la série des films X-Men n'a absolument rien à voir avec des films porno pour jeunes femmes en mal de mâle (quoique je conçois qu'une certaine scène dans Wolverine ait pu vous induire en erreur). Non, c’est bien plus jouissif que ça ; surtout le récent X-Men : First Class qui raconte la genèse des X-Men et de la relation d'amitié  - profonde mais houleuse - entre le professeur Xavier et Magneto. 

Nous pouvons remercier Madame Singer, maman du petit Bryan pour l'avoir laissé lire des tonnes de bandes-dessinées où super-héros et super-méchants se battent inlassablement. Le réalisateur de l'excellentissime The Usual Suspects continue sur sa lancée super-héroïque en aidant à mettre sur orbite le nouveau volet des X-Men, réalisé cette fois-ci par l'anglais Matthew Vaughn (réalisateur notamment du caustiquement drôle Layer Cake). 



Au premier abord, l'intrigue semble simpliste : les gentils mutants contre les méchants qui veulent tuer les êtres humains. Oui, mais c'est plus complexe que ça tout de même ; la thématique de l'aliénation est omniprésente et les méchants ne sont pas complétement méchants, tout comme les gentils qui ne s'avèrent pas toujours être gentils. En résumé : c'est drôle, ça pète de partout, ça utilise des super-pouvoirs qu'on jalouse au plus haut point, et sa défend furieusement sa cause (noble ou non). 

Qu'on se le dise, l'action de X-Men ne se situe pas dans l'espace et vous n'y verrez pas un grand monsieur tout de noir vêtu, avec un masque à faire suer les plus frileux et respirant plus bruyamment qu'un morse après un 100 mètres haies. On se retrouve ici sur terre, pendant la guerre froide, où des mutants tentent en vain de s'intégrer à la société, déchirés entre le bienveillant professeur Xavier (James McAvoy, parfait dans ce rôle - presque autant que celui du Dr. Garrigan dans The Last King of Scotland) et le revanchard Magneto (Michael Fassbender, tout aussi excellent que dans Inglourious Basterds). 

Alors que les derniers X-Men 3: the Last Stand et Wolverine manquent un peu de souffle, X-Men: First Class envoie des paquets d'énergie et entraîne le spectateur des deux côtés du rideau de fer sans lui laisser de répit. En somme, un bon divertissement pop-cornien. Et puis bon, rien que la scène avec Wolverine vaut le détour par la case cinéma.

vendredi 10 juin 2011

Un ouvrage spatiotemporellement troublant

Une romance qui traverse le temps et qui évoque comme élément tragique les sauts spatiotemporels intempestifs. Oui ma p'tite dame, c'est possible. Avant ça, ces bons vieux H. G. Wells et Barjavel (parmi d'autres) ont déjà évoqué les voyages à travers le temps, mais de manière moins poignante, voire plus scientifique. Or donc quoi ? Une femme qui écrit sur une pratique science-fictionnesque Ô combien fantasmée ? Ravalez vos ricanements et laissez-vous envoûter par l'histoire qui fait passer Roméo et Juliette pour une romance mièvre.

Dans son époustouflant The Time Traveler's Wife (traduit misérablement en français par Le Temps n'est rien), Audrey Niffeneger nous raconte l'histoire intense de Henry et Clare. Lui, atteint d'un trouble génétique, souffre de spatiotemporalite aiguë incontrôlable (en anglais dans le texte : Chrono-Displacement) . Elle, belle, patiente et qui vie inlassablement dans le présent. Ils vont se rencontrer et ils vont s'aimer envers et contre les troubles spatiotemporalesques d'Henry que lui-même n'arrive ni à contrôler, ni à prévoir.

Alors que n'importe qui rêverait d'avoir ce dysfonctionnement génétique, le lecteur se rend compte au fil des pages que cette particularité relève plus du fardeau ingérable que du don béni. Tout comme Henry, on est déboussolé au début de chaque chapitre : où est-on ? à quelle époque ? dans quel endroit ? Sauf qu'on ne se retrouve pas entièrement nu, comme le pauvre personnage principal.

Au premier abord, l'histoire pourrait paraître saugrenue, mais ce sentiment ne peut exister qu'avant de se plonger dans les lignes happantes. Là, on réalise qu'Audrey Niffeneger arrive à faire passer une thématique jusqu'alors réservée aux seuls ouvrages de science-fiction purs (le voyage spatiotemporel) pour un drame poignant du quotidien pour les protagonistes (sans négliger pour autant l'aspect scientifique).

Toute la difficulté de l'exercice peut être démontrée par l'adaptation cinématographique catastrophique qui ne lui rend absolument pas justice et parvient nullement à traduire l'intensité des émotions dégagées par le roman (même Hulk ne parvient pas sauver les meubles). Alors laissons Audrey Niffeneger à ce qu'elle sait faire de mieux : nous faire rêver, voire même... pleurer.



The Time Traveler's Wife d'Audrey Niffeneger.

mardi 31 mai 2011

Echanges et châtiments

Soirée "networking" : signe d'une époque où les gens ne se saluent plus dans la rue mais préfèrent le faire en un lieu déterminé, le tout chapeauté par une thématique ronflante et accompagné de petits fours. Venus "réseauter" à tout va, les yeux se croisent, s'entre-croisent, les corps malhabiles balancent leurs pieds cardinalement (gauche, droite, devant, derrière), espérant sûrement en croiser d'autres, tout aussi maladroits. 

Les globes oculaires ouverts au maximum, le menton fier relevé, un drôle d'oiseau s'approche de mon sourire figé. D'un mouvement évident, il abaisse son nez jusqu'au badge mentionnant mon nom et celui de l'entreprise responsable de ma présence au milieu de cette foule d'inconnus. Toutes plumes gonflées, l'homme lâche une rafale de points d'interrogations sur ma personne. N'ayant d'autre choix que de riposter par une série de réponses, agrémentées de quelques questions en bonus, je lui retourne ses politesses. Au bout d'un temps, le bougre comprend que je ne lui serai d'aucune utilité côté affaires et décide d'aller chasser un autre gibier côté table des boissons. 

J'observe pendant un moment la valse attendrissante des cartes de visites. Tels des enfants dans une cour d'école s'échangeant leurs précieuses billes, tailleurs et costumes deux pièces distribuent leur petit bout de carton, choisissant précautionneusement les heureux élus. Le sourire fier et les mains pleines de cartes, chacun repart à l'affût de nouvelles cartes, plus belles, plus rares. 

Au détour d'une table, un honorable monsieur croise le regard d'une tartelette aux framboises mise à l'écart des autres. Il réajuste sa cravate d'un geste rapide, puis engloutit sa victime avant de se retourner vers un groupe d'autres costumes deux pièces riant aux éclats. Personne ne pleurera la malheureuse ce soir, sauf peut-être son compagnon de plateau, un éclair au chocolat miniature. Ma sensibilité me pousse alors à le sacrifier, avant de m'enfuir loin de la scène de crime.

lundi 23 mai 2011

Une soirée au théâtre

Approchez, approchez, ne craignez pas d'être plongés momentanément au cœur d'un show de Broadway. Les spectacles c'est magique : les acteurs, les décors, les chorégraphies, les musiques, les fous rires inopinés, les costumes, bref tout ce qui se passe sur scène. Mais le show ne se fait pas uniquement sur les planches ; il se fait aussi dans la salle, sous le regard attentif des vieux théâtres aux sièges en velours. 

L'illogisme pointe son nez dès l'entrée. Pour cette comédie musicale new-yorkaise, tous les quidams qui battent le pavé serrent dans leurs doigts leur billet d'entrée. Les portes sont encore fermées et les places numérotées, malgré tout, une tension règne au-dessus de cette masse entassée devant les portes closes. "Vais-je trouver le siège 16B avant le début du spectacle ?" "Et si quelqu'un avait le même siège ? L'angoisse. Il faut que j'arrive en premier !" Doivent-ils probablement cogiter.

Telles des fourmis venant adorer une sainte miette, les gens se bousculent, ("excusez-moi", "pardon", "excusez-moi") pour parvenir au siège tant convoité. Soupir de soulagement. Jet de veste nonchalant pour marquer son territoire. Rapide fouille du regard à 360°. Toilettes : ok. Bar : ok. Scène : ok. Voisins qui risquent de faire du bruit : ok. Cinq rangs devant, une jeune fille fixe intensément un siège, avant de regarder encore plus intensément son billet. Un pas à gauche, un pas à droite. Elle lève des yeux hésitants avant de prendre la décision de sa vie et d'envahir le pauvre fauteuil avec son postérieur. Dix minutes avant le début du spectacle. Les placeurs tentent vainement de raisonner les plus rebelles arrivant au pas de charge, convaincus qu'ils trouveront leur siège sans aide extérieure.

Les chants, les sourires figés et la bonne humeur feinte inondent le théâtre soudainement. Masse mouvante à mille têtes, le public sourit, puis rit, conquis. Applaudissements. Un rire isolé s'élève au rang de derrière. Désynchronisé. Strident. Il se meurt au bout d'un "ah, celle-là elle était bonne !" dépourvu d'enthousiasme. Une femme tente de convaincre l'homme à sa gauche qu'elle s'amuse. Constatant un désintérêt complet, elle se met en quête de quelque chose à faire. Un fond de teint sorti des tréfonds de son sac ira très bien. 

Les retardataires arrivent sur la pointe de leurs talons de plomb, accompagnés par un placeur exhibant fièrement sa lampe de poche. Si ce dernier a raté les auditions pour les Experts, il ne les a certainement pas raté pour le rôle absurde du mime bruyant. La masse du public rit. Il faut se lever pour laisser passer les retardataires. Faut-il rire avant de se lever ou bien attendre de s'être rassis, et donc avoir un temps de retard sur tout le monde ? Trop tard. Il faudra donc attendre le prochain flux d'hilarité générale. Une fois resynchronisé, le spectacle de la salle sera à nouveau oublié.

lundi 16 mai 2011

Une après-midi avec John McClane

Le rendez-vous est fixé. J'en ai des frissons dans le dos. Une après-midi complète avec John McClane. Les biscuits sont prêts, la bière est au frais, il reste du Coca et quelques pailles. Le ciel d'un gris triste crache des filets d'eau à intervalles régulières. Il est temps.

Il débarque telle une tornade. L’œil vif, le sourire moqueur et son air américain un tantinet arrogant. Il raconte ses quatre aventures les plus célèbres peuplées de méchants, de mitraillettes, de bombes et de policiers qui hurlent sans arrêt. Je me prends au jeu ; je m'imagine à la place du bon samaritain et tente de résoudre les enquêtes avant que des innocents soient tués. Les balles pleuvent. Les méchants rigolent à gorge déployée. Mon paquet de biscuits est vide. 

Rien ne va plus. John s'emballe et rigole comme un fou alors qu'il se remémore des blessures de bataille. Je lui donne une bière mais il refuse de la boire. Sans doute souhaite-il éviter d'aller aux toilettes. Après tout, il n'a pas vraiment le temps de se reposer. Fumer une cigarette, oui, mais vite. Serait-il paranoïaque ? Il parle d'Allemands, de terroristes, de soldats corrompus, d'attaques informatiques... Et ces policiers qui ne cessent de hurler des idioties. 

La nuit tombe, qu'importe ! Je commande une pizza pour me venger des miettes de biscuit qui me narguent depuis plus d'une heure. Mais pourquoi les supérieurs de John ne l'écoutent pas ? Il va finir en thérapie ce pauvre garçon. Je tente de le rassurer, mais il s'entête et se remet à courir. Mais remets-donc tes chaussures, malheureux ! Et rhabille-toi un peu. Prends exemple sur ta fille que diable ! 

Le Coca n'est plus qu'un vague souvenir, au même titre que les biscuits. Le pauvre reste de pizza gît lamentablement sur une tache de gras. John a tué tous les méchants et fini de radoter ses phrases à répétition. Il est temps que je le raccompagne et qu'il regagne sa place aux côtés de Riggs et Murtaugh.

jeudi 28 avril 2011

Tentative d'évasion

J'ouvre les yeux et je me retrouve soudainement devant un homme en complet veste, cravate, chaussures noires cirées, sourire arrogant en coin (probablement inclu dans l'ensemble). Il me fixe. Ah oui, il m'a posé une question et attend vraisemblablement une réponse. Mon cerveau se met lentement en route et passe en revue toutes les réponses que j'ai déjà prêtes en stock. Après une courte analyse, je choisis celle qui me semble le plus proche de la question posée. Quelques gribouillis de sa part, un hochement de tête. Bon, c'était apparemment pas ça. Tant pis.
Ma montre brûle mon poignet et semble hurler à mes yeux de se baisser. Juste une fraction de seconde semblent-ils dire. Il ne verra rien. Vas-y ! Maintenant ! Regarde l'heure ! Il est en train de gribouiller ! Trop tard. Ce sera pour la prochaine ouverture. Il faut que je planifie patiemment mon évasion. Je compte le nombre de va-et-vient entre moi, sa feuille, moi, sa feuille, moi, sa feuille… Pour le tatouage sur le dos, c'est cuit, je n'ai pas suffisamment observé les locaux en arrivant. Nous sommes au troisième étage. Trop haut.
Je remarque soudainement que l'homme a cessé de parler. Un silence s'ensuit. Je tente un sourire. Tout en innocence me dis-je, ça passera tout seul. Maudit soit mon esprit vagabond ! Sa bouche sérieuse forme une ligne pincée. J'ouvre la mienne et tente d'y pousser un son au bord du gouffre pour combler ce silence s'alourdissant de seconde en seconde. L'homme le regarde s'écraser misérablement au sol. Serait-ce le signal pour mon évasion ? Je tente une percée et me lève, tout sourire. Le regard interloqué de mon interlocuteur m'indique que c'est une tentative ratée.
Il se remet à parler. Mon esprit repart en vadrouille. Les yeux bloqués sur les siens, mon esprit m'ordonne d'écouter les sons de l'étranger. Oui, mais une fois l'ordre donné, les sons cessent abruptement. A nouveau. J'enrage. L'homme se lève. Je souffle silencieusement et me lève à mon tour. L'entretien est terminé ; c'est sûr, je n'aurai certainement pas le poste. Qu'importe, l'évasion était trop ardue.

mardi 19 avril 2011

La philosophie des chaussettes trouées

Il est un mouvement social obscur qui tapisse subliminalement ce blog depuis ses débuts et une explication serait de mise avant d'aller plus loin. Je veux parler des chaussettes trouées. Originaire d'une provenance inconnue, cette philosophie quotidienne touche tous les niveaux sociaux, mais plus particulièrement les rêveurs, parfois appelés tête en l'airistes.

Les chaussettes trouées définissent par elles-mêmes l'envie et la volonté de laisser non seulement ses orteils respirer, mais aussi les idées circuler librement. Cette double fonctionnalité dénote une ouverture d'esprit certaine et un insouciance accessible à tous, du moment que l'on se refuse à repriser ses chaussettes usagées.

Nombreuses sont les personnes adeptes de ce mouvement podologique, mais peu osent dévoiler ce penchant exquis. Les chaussettes trouées sont en effet devenues un des tabous majeurs de la société occidentale du XXIe siècle. Tant qu'elles sont contenues dans des chaussures, elles peuvent jouer de leur influence en toute sérénité et en toute discrétion, à l'abris des regards ridiculement inquisiteurs.

C'est à l'air vagabond et rêveur d'une personne que l'on peut deviner - mais sans grande certitude - le nombre de trous qu'abrite l'intérieur de ses souliers. Les propos prosaïques et les constatations banales voient immanquablement s'enfuir les orteils libérés. De même pour les rêves brimés oralement ou encore les désirs chahutés violemment.

Ainsi, naturellement trouées, les chaussettes aident non seulement à faire circuler les idées, mais aussi à les développer. D'où l'importance d'avoir les pieds aérés.

lundi 4 avril 2011

Au son d'un jukebox anarchique inutile

Chaussettes trouées encastrées dans des chaussures fermées, me voilà parée pour une soirée d'anniversaire classique. Des convives, des rires gras, des sourires figés, et de l'alcool pour détendre un peu le tout. Maladroite dans des habits sentant le savon et le déodorant, les dents apparaissant subtilement derrière un petit sourire avenant, je me faufile entre les invités pour trouver des têtes familières et quelques gouttes de bière. Discussions sans fond avec un peu d'aplomb, ping-pong de questions pour combler des lacunes dans les fiches identitaires des connaissances, qui passeront sans doute un jour au statut de potes, puis - s'ils ont passé les étapes qualificatives de la sociabilité - d'amis. 

Vient le moment de s'asseoir à table. L'angoisse. A côté de qui se placer ? Les gens se précipitent et réservent des chaises pour empêcher ceux qu'ils ne connaissent pas de se placer dans leur espace de discussion. Je pose mes fesses dans une zone inconnue, vierge de toute conversation animée. Le couple en face de moi ose un duo de sourires gênés avant d'ausculter à nouveau leurs verres désespérément vides. 

Un éclat de voix ridicule sur ma gauche m'informe que le joyeux luron de la soirée se situe à côté de moi. Celui qui se croit non seulement drôle, mais aussi irrésistible. Tel un bouton de radio dont le volume sonore est bloqué au maximum, le jeune homme fait partie d'une espèce qui apparaît régulièrement lors d'événements sociaux traditionnels - mariages, baptêmes, réunions de famille, etc. - et dont la mission consiste à débiter le plus de clichés inhérents à ces situations.

Aventurière, j'embraye sur des banalités pour assouplir les rides faciales de mes voisins d'en face. La mayonnaise prend gentiment, entrecoupée par moment par des éclats inutiles du jukebox anarchique d'à côté. Les organisateurs papillonnent dans toute la salle. A peine le temps d'effleurer leur chaise de leur postérieur qu'il faut à nouveau déplier les genoux pour repartir à toutes enjambées, évitant les enfants voletant un peu partout.


Repas. Fromages. Gâteau. Discours. Cadeaux. Remerciements. Le signal des départs est donné de manière subliminal. Certains se lèvent, remercient et s'en vont. Les autres, détendus par l'alcool ingurgité, profitent de cet instant pour assouvir leurs frustrations de la soirée et aller lancer une nouvelle discussion auprès de personnes assises en dehors de leur espace de conversation précédent.

Je me lève, observe les civilités d'usage précédant tout départ, salue le couple d'en face sous les éclats de voix de stentor de l'inutile, et mène mes jambes engourdies un peu titubantes vers la sortie.

jeudi 24 mars 2011

On croit rêver !

Un matin, tu te réveilles et tu te rends compte que tu as le même âge que la veille. Cette réflexion t'assomme au même titre qu'un pull qui dégringole de ton armoire entrouverte. Tu enfiles tes chaussettes trouées (les bleues, c'est plus sexy). Les yeux collés de sommeil, tu te rends au travail, comme tous les jours de la semaine. Tu réfléchis à ta vie, à la viennoiserie que tu dévoreras dans quelques minutes, au véritable sens du film "Mulholland Drive", à l'attitude écologique que tu devrais adopter... demain... un jour... Promis, tu commenceras demain. Soudain, la route se déroule devant toi. Tu roules. Tu roules.

Tes cacas d'yeux dégringolent sur tes genoux encore engourdis de sommeil. Tu t'agaces des publicités que crachote la radio. Tu te dis qu'il y a peu de personnes sur la route. Ah, on doit être mercredi. Soudain, la route se déroule devant toi. Tu roules. Tu roules. Tu te demande tout de même si tu ne devrais pas tourner dans la petite ruelle sur ta gauche pour voir si les mouettes sont réveillées. Encore des cacas d'yeux qui dégringolent.

Tu change de fréquence radio. Tu t'aperçois que tes doigts battent la mesure. Tu les sermonnes sèchement et retourne à tes pensées. Rebelles jusqu'au bout, tes doigts recommencent leur parade. Pour les punir, tu sifflotes. Ca les agace. Ahah !

Non ! La petite ruelle t'as filé entre les yeux au moment où tu te préparais à entamer la troisième strophe de ton morceau favori. Tu blâmes tes doigts. Soudain, la route se déroule devant toi. Tu roules. Tu roules. Les cacas d'yeux ont cesser de tomber. Et toujours aussi peu de monde sur la route.

Les yeux rivés vers le ciel, ta voiture se sent irrésistiblement attirée par le bord de la route. Rien ne va plus. Il faut te réveiller avant qu'une catastrophe ne survienne.

Ce matin-là, tu te réveilles et tu te rends compte que tu as exactement le même âge que la veille.




Voilà un homme bien ! Les chaussettes trouées et leur pouvoir incroyable sont à l'honneur chez Sieur Wayne et son blog BD ultra glamour : Bières, BD et Maladies Mentales.



lundi 14 mars 2011

Paul : un film sans cape et sans épée (mais avec un sabre)

Si vous n'avez pas encore de trous à vos chaussettes (comment est-ce possible !?!), un conseil avisé : courez... que dis-je ? Volez ! Téléportez-vous ! Affrétez au plus vite votre vaisseau terrial pour aller voir Paul (en vente dans le cinéma le plus proche de chez vous, et ne lisez surtout pas la notice d'emballage). 

Encore un régal visuel dont nous gratifient les deux acteurs britanniques Simon Pegg et Nick Frost, le tout avec l'aide de Greg Mottola qui, grâce à cette collaboration, arrive à se faire pardonner de ses douilles précédentes (allez voir les titres sur IMDB bande de feignasses !). Dans la lignée qui défrise un caniche royal, Paul succède fièrement aux deux dernières oeuvres des deux compères, Shaun of the Dead (2004) et Hot Fuzz (2007) réalisés tous deux par Edgar Wright (non, moi non plus je ne connais pas ce monsieur). 


Point de zombies affamés ou de curé armé d'un bazooka dans ce nouvel opus (ooooohhhh... déçue....), mais un alien plus cool que James Dean qui complète magistralement le duo de nerds qui nous emmènent sur les routes du sud-ouest des Etats-Unis, du Comic-On à la zone 51, en passant par des bars étranges et une boîte au lettres solitaire. 

Une rencontre (d)étonnante entre deux geeks britanniques (Graeme et Clive), un extra-terrestre (Paul) et une bigotte borgne (Ruth) qui va apprendre à manier l'art de l'insulte avec une dextérité très imaginative. Le tout parsemé d'agents fédéraux pas très malins à leurs trousses. Ca court, ça pisse dans son froc, ça ressuscite des oiseaux, ça rigole, ça embrasse, ça plane, ça pète dans tous les sens, ça s'évanouit, et ça bousille un magnifique T-Shirt de l'Empire Contre-Attaque (naaaaan !!! Pourquoiiiiii ???). Secouez et vous obtiendrez un film avec des tongs (schlaps / flip-flops / claquettes, vous choisissez) et une tête plus grosse qu'une pastèque gonflée à l'hélium. Oh yeah ? me demanderez-vous. Oh yeah ! répondrais-je.

Et puis bon, il faut dire aussi que la scène avec Sigourney Weaver vaut son pesant de pop-corn.

En somme, un film attachant - à l'image de ses personnages principaux -, bourré de références cinématographiques qui vous feront sautiller d'excitation sur votre siège, et surtout, un humour tout en finesse à déguster avec un milk-shake au chocolat et un double cheeseburger avec bacon grillé.

mercredi 2 mars 2011

Un livre qui sent bon le kebab et le mâle pas rasé


L'opus numéro 5 de la série Notes de Boulet s'intitule Quelques minutes avant la fin du monde. L'auteur annonce donc d'emblée le thème apocalyptique qui reviendra de manière récurrente dans ce nouvel ouvrage : la destruction de l'espèce humaine. Avant même de passer la couverture, le lecteur pourrait craindre de se retrouver face à un champ lexical gravitant autour de la mort, la désolation, l'incapacité de survivre, voire même la destruction de la planète terre. Certes, cette crainte se retrouvera justifiée au fil des pages, mais il est de bon ton de préciser, pour ne pas effrayer le lectorat, que de précieux conseils seront fournis pour faire face à une telle catastrophe.

Ce nouveau tome s'ouvre sur une pleine page arborant un morceau de la terre vue de l'espace et trois simples mots "Voici la terre...". Cette première page dénuée de complexité dénote avec ferveur la simplicité avec laquelle l'auteur va aborder sa narration, en nous emmenant tantôt  dans son appartement mal rangé, tantôt dans les rues de son quartier, ou encore, et ce dans la majeure partie de ses histoires, dans des mondes imaginaires. Lecteurs, vous serez avertis, si vous ne supportez pas les roux mal rasés, les schtroumpfs zombis, ou les histoires de limaces récalcitrantes, ce livre vous est fortement déconseillé. 

Usant à outrance de son humour de mangeur de kebab amateur de poutine, Boulet nous offre ici une ode aux chaussures rouges et à la nourriture grasse, au travers de récits métaphoriques faisant très certainement allusion au poète Karadoc qui avait été le premier de son siècle à déclamer "le gras, c'est la vie." Philosophant abondamment sur l'existence humaine et ses travers, l'auteur alterne même les techniques picturales, pour le plus grand bonheur de nos globes oculaires.

Au travers de ce cinquième opus réussi, Boulet nous livre ses réflexions sur la question même de l'existentialisme avec la légèreté d'un ballon de baudruche et le doigté d'un joueur de kazoo. Scientifique dans l'âme, ses conseils avisés face à une apocalypse imminente - voler une télé ne sert strictement à RIEN en cas de destruction planétaire - font en sorte que le lecteur ressort de cette lecture illuminé, serein, et avide d'une bière bien fraîche.

En bref, Notes 5 : Quelques minutes avant la fin du monde est un livre qui sent bon le kebab et le mâle pas rasé.



mardi 22 février 2011

Ca s'est passé près de chez vous

Ça s'est passé près de chez vous. Oui, juste au rond-point. Là, en bas de votre fenêtre. Vous n'aviez pas remarqué qu'elle était enceinte jusqu'aux cheveux. Moi non plus. Il faut dire que l'angle de vue peut tout changer. Vous vous êtes peut-être dits : "Tiens, encore une ado qui traîne en training rose avec son petit frère." Ou alors : "Woaw ! Quels sacrés beaux cheveux noirs !" Peut-être. 

Puis, l'angle de vue change et les détails envahissent le tableau comme des fourmis attirées soudainement par un reste de tartine à la confiture : sous sa doudoune noire, une bosse bien volumineuse pour un si petit corps. Ses traits, fatigués. Marchant patiemment à ses côtés, un petit bonhomme au regard sérieux. Autour d'eux : la route, un parking vide, personne. Devant eux : une station service. 

Le décor et les acteurs sont mal assortis. Du moins, c'est l'idée qui me vient à l'esprit soudainement, alors que la voiture dans laquelle je me trouve s'immobilise à une pompe à essence. "Sans doute que cette dame va rejoindre son mari à la station service." La voiture boit. La femme arrive d'un pas décidé, les yeux soulagés. Pas de mari. "Mon esprit se serait-il trompé ?" Me moquais-je de mes idées farfelues. 

Tout s'illumine lorsque la petite dame achète un bidon et le remplit d'essence. "Ah ! Vous n'aviez pas pensé à ça !" Marmonnais-je à mes idées en train de bouder. C'était donc une panne sèche. L'une de mes idées sorti de son mutisme pour me souffler : "Peut-être que sa voiture l'attend loin d'ici." Oui, peut-être. 

Oui, effectivement, la voiture attendait bel et bien sa propriétaire à quelques kilomètres de là. Au rond-point, juste au-dessous de votre fenêtre. Là, en bas de chez vous. Sa machine l'a abandonné soudainement sur la route pour refuser de rouler plus loin. Elle avait tenté de la pousser. Sans aide. Pendant trois heures. Sous les yeux de son brave petit bonhomme. J'étais presque attristée de ne pas être arrivée plus tôt dans les parages.

vendredi 11 février 2011

Europe de l'Est 1 - Asie 0

Quelques secondes avant que mes mains puissent pousser la porte de l'immeuble, une quidam typée asiatique m'accoste tout d'anglais vêtue. La situation et les mots pressés analysés, l'inconnue me demandait mon aide. Rien n'indiquait alors que la Suisse allait être l'arbitre d'un bras de fer opposant l'Asie à l'Europe de l'Est. 

Le ring : une petite boutique, vêtements cherchant désespérément une seconde - voire une troisième - vie, pendus à des cintres dodelinant. 
Présentation des équipes : à ma gauche, l'Asie, un cornet en plastique à la main, un manteau inutile acheté 5 heures auparavant à l'Europe de l'Est, des lunettes sérieuses et des paroles britanniques plaintives ; à ma droite, l'Europe de l'Est, les fesses campées sur une chaise rustique de sa petite boutique, les crocs prêts à sortir, les mains s'affairant à rapiécer un morceau de tissu. Au milieu, moi, la Suisse, traductrice improvisée, prise en étau entre une tempête slave et un tsunami nippon. 

Le match débute plaintivement par l'Asie qui souhaite retourner son bien acquis auprès de l'Europe de l'Est en début d'après-midi, et retrouver par la même occasion ses fonds mal investis. La réponse négative et sans appel de l'adversaire jaillit avant même d'avoir entendu la traduction francophone. Les mots pleuvent sur l'Asie qui reste stoïque et attend patiemment que les hallebardes se transforment en paroles compréhensibles. La situation n'est pas à son avantage. 


Changement de tactique, l'Asie tente de prendre à revers l'Europe de l'Est en lançant une proposition au-delà de la zone des 100 mètres : le manteau en retour, les fonds transformé en crédits pour des achats/rapiéçages futurs. Réception de l'Europe de l'Est et renvoi immédiat à l'expéditrice qui rate la réception. Les fesses solidement ancrées sur sa chaise, l'Europe de l'Est ne s'ébranle pas une seconde.

L'Asie trépigne. La Suisse s'impatiente. 
L'issue du match semble inévitable ; l'Asie est en mauvaise posture. L'Europe de l'Est a l'avantage. J'annonce que la fin approche et commence le décompte.

L'Asie tente une manoeuvre désespérée pour sauver son honneur : un panneau dans la boutique proclamant que les habits ne peuvent ni être retournés, ni être remboursés. L'Europe de l'Est assène le coup final en esquivant le coup et renvoyant un uppercut. L'Asie est sonnée. Je sonne la fin du match en sortant de la boutique. 


Score final : Europe de l'Est 1 - Asie 0.

jeudi 3 février 2011

Encore une qui n'avait pas ses chaussettes trouées

Certaines salles attireraient-elles les chouettes aux cris stridents ? Que faire lorsqu'on découvre un manque cruel de trous aux chaussettes de sa voisine de tablée ? 

C'était un jour. Les oreilles tendues, avides de capter les sons les plus infimes qu'un gai pinson poinçonnait dans les airs, le tout devant une multitude d'autres merles aux yeux ne demandant qu'à se remplir de paroles. Chaque syllabe était avalée goulûment, sans que personne ne prenne le temps des les mâcher soigneusement. Le savoir voletait dans la petite pièce, tandis que les rêves, eux, s'échappaient un à un par les vitres. 

Posture tendue, le chignon évasé, la bouche fendue d'une moue ridée, ma voisine bougonnait. Emprisonnée par ma timidité et mon incompréhension, je continuais à attraper chaque mot de l'orateur pour les fourrer au plus vite dans mon esprit. Un par un. 

Horrifiée, je constatais que ses grommellements devenaient sonores ; en levant la tête, on pouvait apercevoir les sons harmonieux se mélanger doucement aux grognements de la chouette. Encore une qui n'avait pas de trous à ses chaussettes ! Encore une qui ne permettait pas à ses idées de gambader joyeusement dans l'air ! Encore une qui avait bridé ses mots et ne leur accordait de liberté que sous certaines conditions !

Les chaussettes non trouées perdent vite patience, ai-je pu constater ce jour-là, car la chouette s'en alla sans se retourner sur ses grommellements qu'elle avait abandonné dans la pièce. Je mourais d'envie d'ouvrir une fenêtre pour les laisser s'échapper au loin, là où la chouette ne les rattraperait plus. Mais ils finirent par s'estomper, mêlés aux gazouillements érudits.

mardi 25 janvier 2011

Voulez-vous luncher avec moi...

Un midi, à quelque part. Les gargouillis dans mon ventre font pâle figure face aux bondissements dans ma poitrine. Encore une expérience qui affole mes chaussettes trouées au plus haut point (jusqu'au lacet supérieur). Après la rencontre de simples quidams pour boire des bières, manger des crêpes (chez un quidam également), aller au cinéma, flashmober, couchsurfer, voyager, discuter, danser et rigoler, me voilà en route pour luncher avec une bande de joyeux drilles inconnus au bataillon (compagnie 3, section foudre de salière).

Pourtant, quelques mois auparavant, lors d'une rencontre avec une charmante petite dame d'un âge certain, les gargouillis étaient restés bien tapis au fond de mon corps, immobiles et insonores. C'est qu'elle m'avait pris par surprise avec son début de dialogue. Il fallait donc bien que je le continue. Depuis, le dialogue continue épisodiquement, lorsque l'envie et le hasard s'en mêlent. Mais ça, c'est une autre histoire à raconter. 


Revenons donc à nos assiettes. Lieu, heure et date du rendez-vous convenu virtuellement, la rencontre se fera réellement. Et c'est parti. Arrivée au restaurant, entrée prudente tout en balayant du regard les têtes déjà présentes. Les yeux interrogateurs guident merveilleusement les indécis ; il ne faut que quelques secondes pour comprendre que la personne au visage tapissé de questions assise à la table du fond est prête à ouvrir sans hésitation le dialogue. Deux autres joyeux curieux se joignent à la petite tablée. 


Un sentiment surprenant, agréable et périlleusement descriptible m'envahit : toutes les personnes autour de cette table sont là pour la même raison, animés par une même curiosité. La discussion commence par des sourires - non pas gênés ! - et les mots arrivent, coulent, dévalent même. Tout s'enchaîne naturellement. Une bande de potes qui ne se sont pas vus depuis des années. Oui, ça ressemble à ça. Et toi ? Tu fais quoi ? Ah oui, je connais bien ce coin ! Tu veux de l'eau ? C'est génial comme idée ! Ah mais je connais quelqu'un qui... etc. etc. 


Une petite pause estivalement fraîche au milieu d'une journée de travail. Un moment de rencontre avec des personnes semblant familières - mais ne faisant pas semblant de l'être. Le temps en vient presque à manquer. Sans doute nous reverrons-nous au détour d'autres assiettes. Après tout, l'inconnu et tout ce qu'il comporte fait aussi parti du charme. 

mercredi 12 janvier 2011

Essayez, ça déchire !

C'était une journée où mes pieds avaient envie de bouger, de m'emmener sur le trottoir. Et bien soit, chers pieds, je vous suivrais. Evidemment, il faut patienter un moment. Attendre patiemment que la pause passe par là. Puis, la libération. Celle des pieds donc. 

Des pas par ci, des pas par là. A en observer mes pieds si heureux de se défouler, mon estomac en était oublié. Si bien, qu'il se mit à gémir doucement. Une longue complainte qui déchire l'âme. Oui, exactement, comme celle-ci. Il fallut bien malgré tout lui faire les pieds, à cet estomac, car mon esprit n'était pas encore rassasié. 

Mes pas m'avaient alors amené dans un magasin connu aux recoins cachant malgré tout un café qui m'était encore inconnu. On pourrait s'attendre à vivre une expérience sans grande saveur et basse en couleur, et bien le temps s'est figé le temps d'une exclamation. Une exclamation qui est venue une fois un panini fumant devant mes narines. Un panini poulet-curry, mais... sans curry ! ... avec de l'ail tout de même... ah. C'est quand même quelque chose ! 

"Essayez, ça déchire !" 

Je levais mon nez de mon poulet décurrifié et vit un serveur aux yeux bien malicieux. Il me tendait une petite bouteille de sauce "Curry-Mangue". Ah ! Voilà donc le curry qui arrive enfin ! Etrange cet endroit où le curry est servi à part du plat, je me suis alors dit. Finalement, le mélange était original, comme cette petite oasis au milieu de ce magasin. 

Comme toute petite histoire insignifiante, celle-ci comporte également une fin. Comme le magasin n'avait pas de fenêtres à portée de poignet, c'est par la porte que mes pas m'ont sortis. Sortie banale me direz-vous. Oui. 

mercredi 5 janvier 2011

L'auto-stop vu par un frigo

Idéalistes, utopistes, frigogidairistes, auto-stoppeurs, lecteurs, voyageurs de tous horizons, cette note est pour vous !

L'histoire débute une soir d'une année quelconque mais néanmoins particulière, autour d'une choppe de bière bien fraîche. Discussion joyeuse avec un ami : "Bla bla... voyages... voyaaaaages... bla bla bla... moto... bla... voyage... bla... bouquins... bla bla... frigo... bla bla bla... voyage... bla bla..." Uh ? ...Frigo ?!?

Suite à cette discussion surréaliste, j'achetais ce fameux livre de toutes les convoitises retraçant les aventures d'un petit frigo sur les routes irlandaises :


L'histoire de ce récit, rien de plus fou : en se réveillant d'une nuit plus que bien arrosée, Tony Hawks (pas le planche-à-roulettiste acrobate, l'humoriste britannique) découvre une note près de son lit "Je parie 100 pounds que Tony Hawks n'arrivera pas à faire le tour de l'Irlande en auto-stop avec un frigo en un mois" (ou à peu près hein, je fais ça de mémoire). L'auteur, à notre plus grande jouissance zygomatique, relève le défi et part à l'aventure de l'île où la Guinness est reine. Son petit frigo avec lui, Tony nous emmène sur les routes cabossées d'Irlande, à travers des contrées plus fabuleuses les unes que les autres. Au fil du voyage, le petit frigo devient, au grand étonnement de son maître, vivant et obtient même un nom ! C'est là que l'expression "aventure humaine et frigorifique" prend tout son sens. La rencontre de l'humain et de cet appareil ménager est explosive ! 

Un frigo qui voyage ! Un frigo qui fait de l'auto-stop ! Un frigo qui fait du surf ! Un frigo dont on chante les louanges dans un ouvrage ! (Gloiiiiiire ! Gloiiiiiiire !)

L'auteur redoute autant que nous la fin de cette si belle aventure avec son petit compagnon restant froidement muet jusqu'au bout. Jamais aucun appareil ménager n'aura vécu pareil épopée ! 

Sans aucun doute, les frigos sont de fins aventuriers qui n'ont pas froid aux yeux !