jeudi 3 février 2011

Encore une qui n'avait pas ses chaussettes trouées

Certaines salles attireraient-elles les chouettes aux cris stridents ? Que faire lorsqu'on découvre un manque cruel de trous aux chaussettes de sa voisine de tablée ? 

C'était un jour. Les oreilles tendues, avides de capter les sons les plus infimes qu'un gai pinson poinçonnait dans les airs, le tout devant une multitude d'autres merles aux yeux ne demandant qu'à se remplir de paroles. Chaque syllabe était avalée goulûment, sans que personne ne prenne le temps des les mâcher soigneusement. Le savoir voletait dans la petite pièce, tandis que les rêves, eux, s'échappaient un à un par les vitres. 

Posture tendue, le chignon évasé, la bouche fendue d'une moue ridée, ma voisine bougonnait. Emprisonnée par ma timidité et mon incompréhension, je continuais à attraper chaque mot de l'orateur pour les fourrer au plus vite dans mon esprit. Un par un. 

Horrifiée, je constatais que ses grommellements devenaient sonores ; en levant la tête, on pouvait apercevoir les sons harmonieux se mélanger doucement aux grognements de la chouette. Encore une qui n'avait pas de trous à ses chaussettes ! Encore une qui ne permettait pas à ses idées de gambader joyeusement dans l'air ! Encore une qui avait bridé ses mots et ne leur accordait de liberté que sous certaines conditions !

Les chaussettes non trouées perdent vite patience, ai-je pu constater ce jour-là, car la chouette s'en alla sans se retourner sur ses grommellements qu'elle avait abandonné dans la pièce. Je mourais d'envie d'ouvrir une fenêtre pour les laisser s'échapper au loin, là où la chouette ne les rattraperait plus. Mais ils finirent par s'estomper, mêlés aux gazouillements érudits.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire