Son regard
se fixa sur les chaussettes de l’homme ; du moins, ce qu’elle arrivait à
distinguer. Elle en était persuadée : elles avaient certainement des
trous ! L’homme avait un blouson élimé de partout, la figure sale et fatiguée,
le regard malicieux et des baskets ayant traversé de nombreuses fois la ville.
Il discutait
joyeusement avec son compère avachi sur le siège d’à côté. Son sourire espiègle
arborait quelques cavités dentaires qui lui donnaient l’air d’un petit garçon.
Son compagnon à l’état brumeux semblait avoir de la peine à suivre la
discussion. « Mes chaussettes, » disait fièrement l’édenté
« elles sont sèches ! Tu vois ? Et ça, malgré ces foutues
baskets trouées ! »
Ignorant
l’air interrogateur de son comparse, l’homme aux chaussettes sèches et
probablement trouées brandit fièrement un sac en plastique. « Eh, tu veux
d’la galette ? On m’en a filé une quand j’suis passé vers une boulangerie
toute à l’heure ! » Sans attendre de réponse, il enfourna une
bouchée, un sourire espiègle pendu à ses oreilles.
Levant les
yeux, il rencontra ceux de celle qui l’observait depuis quelques arrêts déjà. Elle
ouvrit la bouche comme pour parler, mais aucun son n’en sortit. Au même
instant, le tram s’immobilisa et ouvrit ses portes dans un claquement mécanique.
Souriant à son tour à l’homme qui la salua, elle se dirigea vers une sortie,
les pieds dans ses propres chaussettes trouées.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire