jeudi 17 octobre 2013

Scène de tea-room (presque) quotidienne

Deux hommes en costume dans un café. Discussion en apparence sérieuse ; l’un est penché au-dessus de la table, le visage grave, l’autre de trois-quarts sur sa chaise, un coude sur le dossier. Les mains gesticulent de temps à autre devant leur visage. Les sourcils alternent entre position froncée et étonnée. Le son de leur voix entre chuchotement et déclamation d’avocat.

A la table d’à côté, une jeune femme laisse courir librement ses doigts sur le clavier de son ordinateur portable. Absorbée par les cliquetis de sa machine, elle ignore totalement les deux hommes. De sa tête s’échappent couleurs, sons et images farfelues, un sourire détendu aux lèvres.

La conversation des deux sérieux semble prendre une tournure formelle ; un index tape sèchement la table, deux paumes se déposent précautionneusement sur des papiers posés devant l’un d’eux, puis repartent de plus belle en l’air, virevoltant devant les mines froncées des deux hommes. Finalement, des mains se serrent et les visages s’éclairent d’un sourire victorieux.

Les deux hommes se lèvent en poussant leur chaise. L’un d’eux se tourne pour prendre son manteau et s’immobilise en apercevant l’autocollant apposé sur l’ordinateur de sa voisine de café. « Oh ! Superman ! » s’écrie-t-il soudainement. Affichant un sourire empreint de nostalgie, le visage de l’homme perdit plusieurs années en quelques secondes. Le regardant partir et alors qu’il n’avait pas encore franchit la porte, la jeune femme cru apercevoir ses cheveux et ses vêtements danser dans le vent.

vendredi 11 octobre 2013

La lutte du sommeil

Le sommeil vint, à pas nuageux, vers la femme allongée. Il tenta son approche habituelle, douce et apaisante. S'insérant vaporeusement dans l'esprit de la victime, il se heurta à l'excitation et l'angoisse déjà présentes. La partie n'était visiblement pas gagnée d'avance. Le sommeil prit son air le plus serein et entonna une mélodie douce, presque inaudible. Rien n'y fit. Le doute vint se semer lui-même dans l'esprit de l'éveillée.

Tenace, le sommeil fredonna de plus belle son air lancinant et appela en renfort quelques rêves qui passaient par là. Deux d'entre eux acceptèrent de se joindre à lui pour l'aider à endormir la jeune femme. Les trois complices encerclèrent l'excitation, l'angoisse et le doute pour les faire fuir. Dans l'action, l'un des rêves se heurta à l'excitation et fit malencontreusement émerger une idée. 

Armé de son calme légendaire, le sommeil continua de fredonner sa mélodie apaisante. Il savait que, dans ces cas-là, seule la persévérance lui permettrait de triompher. Il était confiant. Un rapide calcul lui permit d'estimer le temps restant avant le lever du soleil accompagné du traditionnel concert de la vie quotidienne. Mais c'était sans compter le réveil bien trop matinal qui se mit à sonner soudainement. 

Pris au dépourvu, le sommeil s'en alla, emportant les rêves avec lui. Mais ce n'était que partie remise car il allait revenir à la charge quelques heures plus tard, quand la jeune femme serait installée confortablement dans son siège d'avion.