lundi 27 juin 2011

Sur un air de bonne humeur

Depuis la terrasse du café, j'observe le vieux piano trônant étrangement serein sur le trottoir d'en face. Une initiative bienvenue dans cette ville aux rues amusicales. Sandwich en main, goulot à la bouche, tailleurs et costards déambulent d'un pas tendus. La plupart ne prête pas attention à l'instrument. Là d'où ils viennent, certainement que les saxophones jonchent les rues et les guitares pendent aux fenêtres.

Débouchant d'un coin de rue, un jeune costume-chemise se dirige d'un pas leste vers le piano. Sans hésitation, sans faire de pause, il s'assied devant les touches. Prenant le relais des jambes soudainement immobilisées, ses doigts se mettent à courir sur le clavier. Un air gai, électrisant, s'échappe de l'instrument pendant quelques minutes. Puis, les mains s'interrompent, les pieds reprennent le contrôle du corps, et le jeune homme s'en va, comme si le piano n'avait été qu'un lacet à renouer.

Un café plus tard, un autre quidam s'arrête devant l'instrument solitaire. Bras ballants, il fixe l'instrument, le regard curieux. Il lève les yeux et semble oublier un instant l'objet de son arrêt fortuit. Il reprend son observation. Le piano est là, patient. Sous son regards insistant, les touchent s'offrent à lui, nues, comme retenant leur respiration entre deux mouvements. L'homme ne semble pas vouloir en profiter. Ou alors, maladroit, il ne sait pas comment s'y prendre. Il décide donc de partir.

Guettant le départ tant espéré, un chevelu sort de derrière son poteau pour s'installer devant l'instrument, tout sourire. Soulagées d'être enfin rejouées, les touches du clavier s'en donnent à cœur joie et font raisonner leur bonne humeur dans tout le quartier. Des gouttes commencent à pleuvoir. Je me lève pour partir quand mes oreilles me font remarquer que la musique n'a pas cessé, malgré la pluie. L'homme avait affectueusement rabattu une bâche sur le piano, et s'était réfugié dessous, imperturbable, pour continuer son tête-à-tête musical.

vendredi 17 juin 2011

X-Men : la Grande Classe


Mesdames, ne vous y méprenez pas, la série des films X-Men n'a absolument rien à voir avec des films porno pour jeunes femmes en mal de mâle (quoique je conçois qu'une certaine scène dans Wolverine ait pu vous induire en erreur). Non, c’est bien plus jouissif que ça ; surtout le récent X-Men : First Class qui raconte la genèse des X-Men et de la relation d'amitié  - profonde mais houleuse - entre le professeur Xavier et Magneto. 

Nous pouvons remercier Madame Singer, maman du petit Bryan pour l'avoir laissé lire des tonnes de bandes-dessinées où super-héros et super-méchants se battent inlassablement. Le réalisateur de l'excellentissime The Usual Suspects continue sur sa lancée super-héroïque en aidant à mettre sur orbite le nouveau volet des X-Men, réalisé cette fois-ci par l'anglais Matthew Vaughn (réalisateur notamment du caustiquement drôle Layer Cake). 



Au premier abord, l'intrigue semble simpliste : les gentils mutants contre les méchants qui veulent tuer les êtres humains. Oui, mais c'est plus complexe que ça tout de même ; la thématique de l'aliénation est omniprésente et les méchants ne sont pas complétement méchants, tout comme les gentils qui ne s'avèrent pas toujours être gentils. En résumé : c'est drôle, ça pète de partout, ça utilise des super-pouvoirs qu'on jalouse au plus haut point, et sa défend furieusement sa cause (noble ou non). 

Qu'on se le dise, l'action de X-Men ne se situe pas dans l'espace et vous n'y verrez pas un grand monsieur tout de noir vêtu, avec un masque à faire suer les plus frileux et respirant plus bruyamment qu'un morse après un 100 mètres haies. On se retrouve ici sur terre, pendant la guerre froide, où des mutants tentent en vain de s'intégrer à la société, déchirés entre le bienveillant professeur Xavier (James McAvoy, parfait dans ce rôle - presque autant que celui du Dr. Garrigan dans The Last King of Scotland) et le revanchard Magneto (Michael Fassbender, tout aussi excellent que dans Inglourious Basterds). 

Alors que les derniers X-Men 3: the Last Stand et Wolverine manquent un peu de souffle, X-Men: First Class envoie des paquets d'énergie et entraîne le spectateur des deux côtés du rideau de fer sans lui laisser de répit. En somme, un bon divertissement pop-cornien. Et puis bon, rien que la scène avec Wolverine vaut le détour par la case cinéma.

vendredi 10 juin 2011

Un ouvrage spatiotemporellement troublant

Une romance qui traverse le temps et qui évoque comme élément tragique les sauts spatiotemporels intempestifs. Oui ma p'tite dame, c'est possible. Avant ça, ces bons vieux H. G. Wells et Barjavel (parmi d'autres) ont déjà évoqué les voyages à travers le temps, mais de manière moins poignante, voire plus scientifique. Or donc quoi ? Une femme qui écrit sur une pratique science-fictionnesque Ô combien fantasmée ? Ravalez vos ricanements et laissez-vous envoûter par l'histoire qui fait passer Roméo et Juliette pour une romance mièvre.

Dans son époustouflant The Time Traveler's Wife (traduit misérablement en français par Le Temps n'est rien), Audrey Niffeneger nous raconte l'histoire intense de Henry et Clare. Lui, atteint d'un trouble génétique, souffre de spatiotemporalite aiguë incontrôlable (en anglais dans le texte : Chrono-Displacement) . Elle, belle, patiente et qui vie inlassablement dans le présent. Ils vont se rencontrer et ils vont s'aimer envers et contre les troubles spatiotemporalesques d'Henry que lui-même n'arrive ni à contrôler, ni à prévoir.

Alors que n'importe qui rêverait d'avoir ce dysfonctionnement génétique, le lecteur se rend compte au fil des pages que cette particularité relève plus du fardeau ingérable que du don béni. Tout comme Henry, on est déboussolé au début de chaque chapitre : où est-on ? à quelle époque ? dans quel endroit ? Sauf qu'on ne se retrouve pas entièrement nu, comme le pauvre personnage principal.

Au premier abord, l'histoire pourrait paraître saugrenue, mais ce sentiment ne peut exister qu'avant de se plonger dans les lignes happantes. Là, on réalise qu'Audrey Niffeneger arrive à faire passer une thématique jusqu'alors réservée aux seuls ouvrages de science-fiction purs (le voyage spatiotemporel) pour un drame poignant du quotidien pour les protagonistes (sans négliger pour autant l'aspect scientifique).

Toute la difficulté de l'exercice peut être démontrée par l'adaptation cinématographique catastrophique qui ne lui rend absolument pas justice et parvient nullement à traduire l'intensité des émotions dégagées par le roman (même Hulk ne parvient pas sauver les meubles). Alors laissons Audrey Niffeneger à ce qu'elle sait faire de mieux : nous faire rêver, voire même... pleurer.



The Time Traveler's Wife d'Audrey Niffeneger.