lundi 23 mai 2011

Une soirée au théâtre

Approchez, approchez, ne craignez pas d'être plongés momentanément au cœur d'un show de Broadway. Les spectacles c'est magique : les acteurs, les décors, les chorégraphies, les musiques, les fous rires inopinés, les costumes, bref tout ce qui se passe sur scène. Mais le show ne se fait pas uniquement sur les planches ; il se fait aussi dans la salle, sous le regard attentif des vieux théâtres aux sièges en velours. 

L'illogisme pointe son nez dès l'entrée. Pour cette comédie musicale new-yorkaise, tous les quidams qui battent le pavé serrent dans leurs doigts leur billet d'entrée. Les portes sont encore fermées et les places numérotées, malgré tout, une tension règne au-dessus de cette masse entassée devant les portes closes. "Vais-je trouver le siège 16B avant le début du spectacle ?" "Et si quelqu'un avait le même siège ? L'angoisse. Il faut que j'arrive en premier !" Doivent-ils probablement cogiter.

Telles des fourmis venant adorer une sainte miette, les gens se bousculent, ("excusez-moi", "pardon", "excusez-moi") pour parvenir au siège tant convoité. Soupir de soulagement. Jet de veste nonchalant pour marquer son territoire. Rapide fouille du regard à 360°. Toilettes : ok. Bar : ok. Scène : ok. Voisins qui risquent de faire du bruit : ok. Cinq rangs devant, une jeune fille fixe intensément un siège, avant de regarder encore plus intensément son billet. Un pas à gauche, un pas à droite. Elle lève des yeux hésitants avant de prendre la décision de sa vie et d'envahir le pauvre fauteuil avec son postérieur. Dix minutes avant le début du spectacle. Les placeurs tentent vainement de raisonner les plus rebelles arrivant au pas de charge, convaincus qu'ils trouveront leur siège sans aide extérieure.

Les chants, les sourires figés et la bonne humeur feinte inondent le théâtre soudainement. Masse mouvante à mille têtes, le public sourit, puis rit, conquis. Applaudissements. Un rire isolé s'élève au rang de derrière. Désynchronisé. Strident. Il se meurt au bout d'un "ah, celle-là elle était bonne !" dépourvu d'enthousiasme. Une femme tente de convaincre l'homme à sa gauche qu'elle s'amuse. Constatant un désintérêt complet, elle se met en quête de quelque chose à faire. Un fond de teint sorti des tréfonds de son sac ira très bien. 

Les retardataires arrivent sur la pointe de leurs talons de plomb, accompagnés par un placeur exhibant fièrement sa lampe de poche. Si ce dernier a raté les auditions pour les Experts, il ne les a certainement pas raté pour le rôle absurde du mime bruyant. La masse du public rit. Il faut se lever pour laisser passer les retardataires. Faut-il rire avant de se lever ou bien attendre de s'être rassis, et donc avoir un temps de retard sur tout le monde ? Trop tard. Il faudra donc attendre le prochain flux d'hilarité générale. Une fois resynchronisé, le spectacle de la salle sera à nouveau oublié.

3 commentaires:

  1. Excellent! Je me trompe ou tu commences à "trouver ta voix" pour ces notes? En tout cas, c'est l'impression qui en ressort :-)

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  2. Merci :o) oui, il me semble aussi.. ça vient gentiment. Je suis sur la bonne voie ou voix (à choix) :-D

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  3. Je suis en train de lire "la mise en scène de la vie quotidienne" d'Erwing Goffman. Autant dire que ton billet tombe a pic ; )!

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